Un match France/Angleterre interminable en Périgord
au Moyen Âge
Découvrir le Château de Coulonges, c’est plonger dans l’histoire des Chevaliers du Moyen Âge qui vivaient dans des maisons fortes (fortalicia), à l’origine souvent de solides donjons entourés de remparts, car ce qu’ils cherchaient avant c’était la possibilité d’être vraiment maîtres chez eux, dans des places fortes d’où ils pouvaient résister aux assauts des Anglais mais aussi du Seigneur voisin ou des troupes du Roi de France dont ils étaient en principe les vassaux fidèles, mais en principe seulement. Les Chevaliers aimaient chasser et guerroyer à leur guise et étaient en réalité rebelles à toute forme d’autorité. Il faudra trois bons siècles de règne des Rois Capétiens pour que l’Etat signifie vraiment quelque chose en France et que cette parenthèse du temps des Troubadours et des Chevaliers soit définitivement muselée.
Voici quelques jalons historiques pour imaginer la situation assez particulière du Périgord au Moyen Âge. À l’Empire Franc et à sa dynastie carolingienne succède en l’an 1000 la dynastie des Capétiens, avec l’avènement du Roi de France Hugues Capet en 987. Suite aux invasions barbares, la France est dévastée, les campagnes ravagées, les routes et les ponts coupés, les églises et les monastères pillés ou brûlés. Il y a tout à réinventer et c’est la société féodale qui va s’y atteler. La société féodale est fondée sur la coexistence de trois catégories sociales bien distinctes dans leurs activités : les nobles combattent, les paysans travaillent et le clergé prie. Le règne des Capétiens, qui commence sur un champ de ruines, va durer trois siècles et sera marqué par une menace perpétuelle provenant tout à la fois de la France et de l’Angleterre, en raison d’un curieux concours de circonstances :
- En 1066, Guillaume, Duc de Normandie, conquiert l’Angleterre après avoir défait et tué le Roi Harold II, lors de la bataille de Hastings. Devenu Roi d’Angleterre, Guillaume le Conquérant se retrouve dans une situation ambiguë : en tant que Duc de Normandie, il reste le vassal du Roi de France mais il devient, à cheval sur deux royaumes, bien plus puissant que son suzerain. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant.
- En 1150, Louis VII, Roi de France Capétien, répudie sa femme Aliénor d’Aquitaine qui lui avait apporté en dot le Duché d’Aquitaine, c’est-à-dire tout le Centre et l’Ouest de la France. Aliénor, répudiée, change de camp et va se remarier en 1152 avec Henri Plantagenêt, Duc de Normandie et Comte d’Anjou. Or, son mari, devenu grâce à elle Duc d’Aquitaine, devient aussi deux ans plus tard Henri II, Roi d’Angleterre.
C’est ainsi que l’Aquitaine, et en son sein le Périgord, deviennent l’enjeu d’une âpre rivalité entre Capétiens et Plantagenêts. C’est le prélude à la guerre de Cent Ans (1337-1453) durant laquelle l’Angleterre voudra annexer le France, jusqu’au sursaut de Jeanne d’Arc qui mettra fin à la Guerre de Cent Ans au milieu du XVᵉ siècle.
Du XIIᵉ au XVᵉ siècle, le Périgord va ainsi subir les assauts répétés des troupes anglaises et des troupes françaises, qui auront au final le dernier mot. Il est donc vital pour les habitants du Périgord d’apprendre à se défendre en donnant l’alerte le plus vite possible en cas d’agression, afin que les Chevaliers puissent organiser la riposte et que les paysans puissent se réfugier au fin fond des cluzeaux, cavités naturelles qui leur servent de cachettes en cas de danger. C’est dans ce contexte que le Château de Coulonges apparait dans les archives sous le nom de « fortalicium » c’est-à-dire maison fortifiée.